Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/469

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mille lires sterling par an à l’entretien des pauvres, et soulager d’autant les nationaux ?

V. Supposons qu’on chassât aujourd’hui tous les étrangers établis ici depuis soixante-dix ans et plus, ainsi que tous leurs descendants, serait-ce le moyen de diminuer le nombre des pauvres Anglais, ou de réduire la taxe imposée pour leur entretien ? Le fardeau n’en deviendrait-il pas au contraire encore plus pesant pour les possesseurs des terres ?

VI. Le meilleur moyen de décider s’il est expédient d’admettre parmi nous les étrangers, ne serait-il pas de faire un compte exact entre les Anglais et les étrangers établis ici depuis plus de soixante-dix ans ? de dresser une espèce de bilan des avantages qu’ils se sont mutuellement procurés, rédigé sous la forme de dettes et de créances réciproques, à peu près ainsi :

Dette de l’Anglais à l’étranger. — Consommation faite par celui-ci de nos denrées et de nos manufactures. Augmentation du revenu des maisons et des terres. Accroissement de notre commerce et de notre navigation. Taxes, douanes et excises payés par les étrangers.

Dette de l’étranger à l’Anglais. — Sommes avancées ou données par charité à quelques étrangers.

De quel côté pencherait cette énorme balance ?

Section XIV. — Du droit de naissance d’un Anglais[1].

I. Qu’est-ce que ce droit de naissance d’un Anglais ? Est-ce un droit, un privilège qu’il ait d’être pauvre et misérable, tandis que ses voisins augmentent leurs richesses et leur commerce ? Un pareil droit de naturalité vaudrait-il douze sous, et mériterait-il qu’on cherchât à le conserver ?

II. Quels sont les gens qui travaillent à priver les Anglais de leur droit de naissance ? ceux qui proposent les moyens de rendre l’Angleterre riche, florissante, le centre des arts et le magasin des nations, ou ceux qui voudraient enchaîner et borner son commerce, favoriser les monopoles, les associations exclusives, et s’opposer à

  1. « Mais pour en revenir au sujet que je traite, c’est-à-dire à l’examen de ce qui arriverait si les whighs avaient le dessus, le bill de naturalisation, qui vient d’être rejeté, passerait encore en loi, et le droit de naissance d’un Anglais serait encore réduit à ne pas valoir 12 sous. » (L’Examinateur, n°XXV, janvier 1710.)(Note de l’auteur.)