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la multiplication des habitants et à l’emploi de l’industrie, sous prétexte de conserver la pureté du sang anglais ?

III. Tout ce qui tend à nous priver des profits attachés au travail ne donne-t-il pas atteinte aux véritables droits de notre naissance ? Toutes les gênes et les restrictions par lesquelles les Anglais sont forcés d’acheter plus cher et de vendre à plus bas prix, ne sont-elles pas autant d’entreprises sur leurs droits et leurs libertés ? Qui sont les vrais coupables ?

IV. A-t-on jamais inséré dans aucun bill pour la naturalisation quelque clause qui tendît à priver les bourgeois de nos villes de jurandes, de leurs droits et de leurs privilèges ? Et les promoteurs de ces bills n’ont-ils pas toujours déclaré que les membres des jurandes conserveraient ces prétendus privilèges aussi longtemps qu’ils le voudraient, et jusqu’à ce qu’ils demandassent eux-mêmes à en être débarrassés ?

Section XV. — Du véritable intérêt des Anglais.

I. Qu’est-ce que les privilèges des maîtres ? Sont-ils réels, ou imaginaires ? Les habitants de Birmingham, de Manchester et de Leeds[1] accepteraient-ils de pareils privilèges si on les leur offrait ?

II. Les artisans de Westminster sont-ils plus pauvres parce qu’ils sont privés des libertés de la cité ? les artisans de Londres sont-ils plus riches parce qu’ils en jouissent[2] ?

III. Si un artisan profite de l’exclusion donnée à ceux qui ne sont pas maîtres et vend plus cher, la même raison ne fait-elle pas qu’il achète aussi plus cher des autres artisans ? S’il veut n’avoir point de rivaux, les maîtres des autres métiers n’auront-ils pas le même motif pour désirer de n’en point avoir ? Et lorsque ceux-ci

  1. Les arts et les métiers sont libres dans ces trois villes : ou n’y achète point la maîtrise ; ce sont les trois villes d’Angleterre où il y a le plus d’ouvriers, et où les manufactures ont fait le plus de progrès. (Note de Turgot.)
  2. Nul ne peut exercer un métier à Londres, dans ce qu’on appelle les libertés de la cité, s’il n’est reçu maître ; au lieu que dans le faubourg de Westminster les professions sont libres, ainsi que dans la ville même de Paris le faubourg Saint-Antoine, la rue de la Jussienne, et d’autres lieux privilégiés, comme le Temple, l’Abbaye, etc., où les trois quarts de l’industrie de Paris sont réfugiés. Il est assez singulier que ce soit précisément aux lieux consacrés au monopole qu’on ait donné le nom de franchises ou de libertés. Il semble que par les idées de notre ancienne police, le travail et l’industrie soient défendus par le droit commun, et qu’on ait seulement accordé par grâce ou vendu à quelques particuliers des dispenses de cette loi. (Note de Turgot.)