Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/471

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seront parvenus à détruire leurs concurrents, celui-là n’y perdra-t-il pas des gens qui auraient pu devenir ses pratiques ?

IV, Chaque artisan ne veut-il pas acheter au meilleur marché et vendre le plus cher qu’il est possible ? Mais comment cela peut-il être, tant que le commerce ne sera pas libre ?

Section XVI. — Dans le commerce, si l’on n’a pas des rivaux au dedans,
on en a au dehors.

I. Si l’on a nécessairement des rivaux ou au dedans ou au dehors, lequel fait le plus de mal au royaume, que nos négociants aient pour concurrents leurs compatriotes ou des étrangers ?

II. La concurrence dans l’intérieur a-t-elle jamais nui à aucune nation ? et ce proverbe, que la sagesse va avec les sous et la folie avec les livres sterling, ne se vérifie-t-il pas sensiblement dans la personne de ces gens qui s’opposent à toute concurrence entre les marchands, les gens de métier et les artistes ?

III. Qu’est-ce que le bien public ? N’est-il pas, pour la plus grande partie, l’effet naturel de l’émulation entre les membres de la même société ? Et que deviendraient l’industrie, la tempérance, la frugalité, et le désir d’exceller dans son art, si l’émulation n’existait pas ?

IV. Lequel vaut mieux pour le public, ou des associations entre nos manufacturiers et nos marchands, ou d’une grande concurrence entre eux ? Laquelle de ces deux choses tend le plus fortement à hausser le prix de nos exportations et à diminuer nos richesses ?

V. Si nos marchands de Portugal se plaignent qu’ils perdent quelquefois, ou qu’ils ne gagnent pas assez sur les draps qu’ils envoient à Lisbonne, ferons-nous bien de supprimer la moitié de nos fabriques de draps ? Et si nous prenions ce parti, le vide qui s’ensuivrait dans la consommation du Portugal ne serait-il pas bientôt rempli par les Français, les Hollandais ? Nos ouvriers en draps n’iraient-ils pas bientôt chercher en France et en Hollande l’occupation que nous leur aurions interdite chez nous ?

Section XVII. — Examen de cette objection : Que les étrangers ôteraient le pain de la bouche à nos compatriotes, et nous enlèveraient les secrets du commerce.

I. Quels étrangers enlèveront plutôt le pain de la bouche à nos compatriotes ? ceux qui sont au dedans du royaume, ou ceux qui sont au dehors ?