Page:Verhaeren - Deux Drames, 1917.djvu/66

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Car, s’il t’abandonnait et si je n’étais là,
Ta piété rude et ton humilité suprême
Tourneraient contre nous et contre Dieu lui-même.
Si des hommes tels que nous deux ne savent pas,
Par l’héroïsme saint et la chrétienne audace
De leur âme, garder et défendre la place
Que le ciel tour à tour leur assigne et leur doit,
C’en est fini de la vertu mâle et profonde,
C’en est fini du joug, c’en est fini du droit
Et de la main qui rive à la règle, le monde.
Ton exemple est téméraire, mais souverain.
Il faut qu’il soit pour tous comme une ample lumière,
Comme un exploit sacré qui te gagne tes frères
Et les range sous toi et ton pouvoir, demain.
Et puis il faut surtout que ceux-là qui intriguent
Sachent, à l’heure même où s’affirment leurs brigues,
Ce qui sépare d’eux des hommes comme nous
Qui commandent encor quand ils plient les genoux.

La cloche sonne. On entend des pas qui se rapprochent.
Les moines entrent au chapitre, prenant chacun sa place.
Le PRIEUR monte en chaire.