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Joignant leurs becs courts, mais vermeils,
Ils s’accouplent dans le soleil.


JEAN

J’ai séparé mes coqs par des cloisons de lattes,
Avant le jour qu’au bout des pattes
Leur eût poussé le courbe et féroce éperon.
Leur voix n’était encor qu’étoffe déchirée
Qu’ils s’entêtaient déjà à sonner du clairon
Devant l’aube effarée.
Ils paraissaient si fiers de faire un peu de bruit.
Leur orgueil exigeait la lutte et le conflit
Et les poules qui les fuyaient, prises de crainte,
Se résignaient quand même à subir leur ardeur
Chaque fois que leur bec violent et vainqueur
Les ployait sous sa brusque et sauvage contrainte.