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les bords de la route

III


Ce que je choisirais pour te symboliser,
Ce ne seraient ni lys, ni tournesols, ni roses
Ouvrant aux vents frôleurs leur corolle en baiser,
Ni les grands nénuphars dont les pulpes moroses

Et les larges yeux froids, chargés d’éternité,
Bâillent sur l’étang clair leurs rêves immobiles,
Ni le peuple des fleurs despotique et fouetté
De colère et de vent sur les grèves hostiles.

Non — Mais tout frémissant d’aurore et de soleil,
Comme des jets de sang se confondent par gerbes,
En pleine floraison, en plein faste vermeil,
Ce serait un massif de dahlias superbes,

Qui, dans l’automne en feu des jours voluptueux,
Dans la maturité chaude de la matière,
Comme de grands tétons rouges et monstrueux,
Se raidiraient sous les mains d’or de la lumière.