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césar cascabel.

reposait pas. Plus d’une fois, les Indiens s’empressèrent à regarder Jean essayant ses tours de jongleur, Napoléone esquissant quelques pas gracieux, Sandre se disloquant comme un être en caoutchouc, Mme  Cascabel s’adonnant à des exercices de force et M. Cascabel à des effets de ventriloquie ; sans oublier Jako, qui babillait dans sa cage, les chiens qui travaillaient ensemble, et John Bull qui se dépensait en grimaces.

Observons, toutefois, que Jean ne négligeait point d’étudier pendant la route. Il lisait et relisait les quelques livres composant la petite bibliothèque de la Belle-Roulotte, un peu de géographie et d’arithmétique, et divers volumes de voyage ; il tenait aussi le Journal du bord, où il relatait d’une façon fort agréable les incidents de navigation.

« Tu deviendras trop instruit ! lui disait parfois son père. Mais enfin, puisque c’est ton goût !… »

Et M. Cascabel se gardait bien de contrarier les instincts de son premier-né. Au fond, sa femme et lui étaient très fiers de compter « un savant » dans la famille.

Vers le 27 février, dans l’après-midi, la Belle-Roulotte arriva au pied des gorges de la Sierra Nevada. Pendant quatre ou cinq jours, ce rude passage de la chaîne allait occasionner de grandes fatigues. Ce serait dur, pour les gens comme pour les bêtes, de remonter la pente jusqu’à mi-montagne. Il serait nécessaire de pousser à la roue sur les étroits lacets qui contournent les flancs de l’énorme barrière. Bien que le temps continuât de s’adoucir avec les précoces influences du printemps californien, le climat serait encore peu clément à de certaines altitudes. Rien de plus redoutable que les pluies torrentielles, les terribles chasse-neige, les rafales déchaînées au tournant des gorges où le vent s’engouffre comme dans un entonnoir. D’ailleurs, la partie supérieure des passes s’élève au-dessus de la zone des neiges éternelles, et ce n’est pas à moins de deux mille mètres qu’il faut se transporter avant de redescendre sur le pays des Mormons.

Au surplus, M. Cascabel comptait faire ce qu’il avait déjà fait en