Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/103

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« Diable ! dit Kennedy.

— Quelle tête dure ! fit Joe.

— Nous allons essayer de quelques balles coniques au défaut de l’épaule », reprit Dick en chargeant sa carabine avec soin, et il fit feu.

L’animal poussa un cri terrible, et continua de plus belle.

« Voyons, dit Joe en s’armant de l’un des fusils, il faut que je vous aide, monsieur Dick, ou cela n’en finira pas. »

Et deux balles allèrent se loger dans les flancs de la bête.

L’éléphant s’arrêta, dressa sa trompe, et reprit à toute vitesse sa course vers le bois ; il secouait sa vaste tête, et le sang commençait à couler à flots de ses blessures.

« Continuons notre feu, monsieur Dick.

— Et un feu nourri, ajouta le docteur, nous ne sommes pas à vingt toises du bois ! »

Dix coups retentirent encore, l’éléphant fit un bond effrayant ; la nacelle et le ballon craquèrent à faire croire que tout était brisé ; la secousse fit tomber la hache des mains du docteur sur le sol.

La situation devenait terrible alors ; le câble de l’ancre fortement assujetti ne pouvait être ni détaché, ni entamé par les couteaux des voyageurs ; le ballon approchait rapidement du bois, quand l’animal reçut une balle dans l’œil au moment où il relevait la tête ; il s’arrêta, hésita ; ses genoux plièrent ; il présenta son flanc au chasseur.

« Une balle au cœur », dit celui-ci, en déchargeant une dernière fois la carabine.

L’éléphant poussa un rugissement de détresse et d’agonie ; il se redressa un instant en faisant tournoyer sa trompe, puis il retomba de tout son poids sur une de ses défenses qu’il brisa net. Il était mort.

« Sa défense est brisée ! s’écria Kennedy. De l’ivoire qui en Angleterre vaudrait trente-cinq guinées les cent livres !

— Tant que cela ! fit Joe, en s’affalant jusqu’à terre par la corde de l’ancre.

— À quoi servent tes regrets, mon cher Dick ? répondit le docteur Fergusson. Est-ce que nous sommes des trafiquants d’ivoire ? Sommes-nous venus ici pour faire fortune ? »

Joe visita l’ancre ; elle était solidement retenue à la défense demeurée intacte. Samuel et Dick sautèrent sur le sol, tandis que l’aérostat à demi dégonflé se balançait au-dessus du corps de l’animal.

« La magnifique bête ! s’écria Kennedy. Quelle masse ! Je n’ai jamais vu dans l’Inde un éléphant de cette taille !

— Cela n’a rien d’étonnant, mon cher Dick ; les éléphants du centre de