Page:Verne - Cinq Semaines en ballon.djvu/80

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Vers sept heures, une roche ronde, de près de deux milles d’étendue, apparut comme une immense carapace.

« Nous sommes en bon chemin, dit le docteur Fergusson. Voilà Jihoue-la-Mkoa, où nous allons faire halte pendant quelques instants. Je vais renouveler la provision d’eau nécessaire à l’alimentation de mon chalumeau, essayons de nous accrocher quelque part.

— Il y a peu d’arbres, répondit le chasseur.

— Essayons cependant ; Joe, jette les ancres. »

Le ballon, perdant peu à peu de sa force ascensionnelle, s’approcha de terre ; les ancres coururent ; la patte de l’une d’elles s’engagea dans une fissure de rocher, et le Victoria demeura immobile.

Il ne faut pas croire que le docteur pût éteindre complètement son chalumeau pendant ses haltes. L’équilibre du ballon avait été calculé au niveau de la mer ; or le pays allait toujours en montant, et, se trouvant élevé de 600 à 700 pieds, le ballon aurait eu une tendance à descendre plus bas que le sol lui-même ; il fallait donc le soutenir par une certaine dilatation du gaz. Dans le cas seulement où, en l’absence de tout vent, le docteur eût laissé la nacelle reposer sur terre, l’aérostat, alors délesté d’un poids considérable, se serait maintenu sans le secours du chalumeau.

Les cartes indiquaient de vastes mares sur le versant occidental de Jihoue-la-Mkoa, Joe s’y rendit seul avec un baril, qui pouvait contenir une dizaine de gallons ; il trouva sans peine l’endroit indiqué, non loin d’un petit village désert, fit sa provision d’eau, et revint en moins de trois quarts d’heure ; il n’avait rien vu de particulier, si ce n’est d’immenses trappes à éléphant ; il faillit même choir dans l’une d’elles, où gisait une carcasse à demi-rongée.


Vue de Jihoue-la-Mkoa.


Il rapporta de son excursion une sorte de nèfles, que des singes mangeaient avidement. Le docteur reconnut le fruit du « mbenbu », arbre très abondant sur la partie occidentale de Jihoue-la-Mkoa. Fergusson attendait Joe avec une certaine impatience, car un séjour même rapide sur cette terre inhospitalière lui inspirait toujours des craintes.

L’eau fut embarquée sans difficulté, car la nacelle descendit presque au niveau du sol ; Joe put arracher l’ancre, et remonta lestement auprès de son maître. Aussitôt, celui-ci raviva sa flamme, et le Victoria reprit la route des airs.

Il se trouvait alors à une centaine de milles de Kazeh, important établissement de l’intérieur de l’Afrique, où, grâce à un courant de sud-est, les voyageurs pouvaient espérer de parvenir pendant cette journée ; ils marchaient avec une vitesse de 14 milles à l’heure ; la conduite de l’aérostat devint alors assez difficile ; on ne pouvait s’élever trop haut sans dilater