Page:Verne - Histoire des grands voyages et des grands voyageurs, Hetzel, 1870, tome 1.djvu/237

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successivement ; souvent le pic dut être employé pour frayer une route à travers ces terres encore vierges, et les Espagnols arrivèrent enfin à la province de Cibao. Là, sur un coteau, près de la rive d’un grand fleuve, l’Amiral fit construire un fort en pierre et en bois ; il l’entoura d’un bon fossé, et lui donna le nom de Saint-Thomas, pour railler quelques-uns de ses officiers qui ne croyaient pas aux mines d’or. Et ils avaient mauvaise grâce à douter, car, de toutes parts, les indigènes apportaient des pépites, des grains d’or qu’ils échangeaient avec empressement contre des perles, et des grelots surtout, dont le son argentin les excitait à danser. Puis, ce pays n’était pas seulement le pays de l’or, c’était aussi le pays des épices et des aromates, et les arbres qui les produisaient formaient des forêts véritables. Les Espagnols ne pouvaient donc que se féliciter d’avoir conquis cette île opulente.

Après avoir laissé le fort Saint-Thomas à la garde de cinquante-six hommes, commandés par don Pedro de Margarita, Christophe Colomb reprit le chemin d’Isabelle vers le commencement d’avril. De grandes pluies contrarièrent son retour. À son arrivée, il trouva la colonie naissante dans un extrême désordre ; la disette menaçait par manque de farine, et la farine manquait faute de moulins ; soldats et ouvriers étaient épuisés par les fatigues. Colomb voulut obliger les gentilshommes à leur venir en aide ; mais ces fiers hidalgos si désireux de conquérir la fortune, ne voulaient même pas se baisser pour la ramasser, et ils refusèrent de faire