Page:Verne - Histoire des grands voyages et des grands voyageurs, Hetzel, 1870, tome 1.djvu/338

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veilleuses aventures et les témoins de ses douloureuses tribulations se disputèrent, en pleurant, l’honneur de porter ses dépouilles jusqu’à la dernière demeure qu’il s’était choisie. Dans leur douleur, les Hindous eux-mêmes se refusaient à croire qu’il fût mort et prétendaient qu’il était allé commander les armées du ciel.

La découverte relativement récente d’une lettre d’Emmanuel prouve que, si ce roi fut momentanément trompé par les faux rapports des ennemis d’Albuquerque, il ne tarda cependant pas à lui rendre pleine et entière justice. Malheureusement, cette lettre réparatrice n’est jamais parvenue au second vice-roi de l’Inde ; elle aurait adouci l’amertume de ses derniers moments, tandis qu’il mourut avec la douleur de trouver ingrat envers lui un souverain, à la gloire et à la puissance duquel il avait consacré son existence.

Avec lui, dit Michelet, disparut chez les vainqueurs toute justice, toute humanité. Longtemps après, les Indiens allaient au tombeau du grand Albuquerque lui demander justice des vexations de ses successeurs.

Parmi les nombreuses causes qui amenèrent assez rapidement la décadence et le morcellement de cet immense empire colonial, dont Albuquerque avait doté sa patrie et qui, même après sa ruine, a laissé dans l’Inde des souvenirs ineffaçables, il faut citer, avec Michelet, l’éloignement et l’éparpillement des comptoirs, la faiblesse de la population du Portugal, peu proportionnée à l’étendue de ses établissements, l’amour du brigandage et les exactions d’une administration en