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l’école des robinsons

Eh bien, si le professeur ne songeait pas à quelque danger immédiat, qui fût de nature à compromettre sa sécurité dans cette île, dépourvue de fauves et d’indigènes, il avait tort. Ce jour même, son optimisme allait être mis à une rude épreuve.

Vers quatre heures du soir, Tartelett était allé, suivant son habitude, récolter des huîtres et des moules à la partie du rivage en arrière de Flag-Point, lorsque Godfrey le vit revenir tout courant à Will-Tree. Ses rares cheveux se hérissaient aux tempes. Il avait bien l’air d’un homme qui fuit, sans oser même retourner la tête.

« Qu’y a-t-il donc ? s’écria Godfrey, non sans inquiétude, en se portant au-devant de son compagnon.

— Là… là !… répondit Tartelett, qui montra du doigt cette portion de la mer, dont on apercevait un étroit segment, au nord, entre les grands arbres de Will-Tree.

— Mais qu’est-ce donc ? demanda Godfrey, dont le premier mouvement fut de courir à la lisière des séquoias.

— Un canot !

— Un canot ?

— Oui !… des sauvages !… toute une flottille de sauvages !… Des cannibales, peut-être !… »

Godfrey avait regardé dans la direction indiquée…

Ce n’était point une flottille, ainsi que le disait l’éperdu Tartelett, mais il ne se trompait que sur la quantité.

En effet, une petite embarcation, qui glissait sur la mer, très calme en ce moment, se dirigeait à un demi-mille de la côte, de manière à doubler Flag-Point.

« Et pourquoi seraient-ce des cannibales ? dit Godfrey en se retournant vers le professeur.

— Parce que, dans les îles à Robinsons, répondit Tartelett, ce sont toujours des cannibales qui arrivent tôt ou tard !

— N’est-ce point là plutôt le canot d’un navire de commerce ?

— D’un navire ?…

— Oui… d’un steamer, qui a passé hier, dans l’après-midi, en vue de notre île ?

— Et vous ne m’avez rien dit ! s’écria Tartelett, en levant désespérément les bras au ciel.