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l’école des robinsons

En attendant, il continuait à explorer l’île Phina, il employait à chasser tout le temps que ne réclamait pas une plus pressante besogne. Le plus souvent, Carèfinotu l’accompagnait, tandis que Tartelett restait au logis. Décidément, il n’était pas chasseur, bien que son premier coup de fusil eût été un coup de maître !

Or, ce fut pendant une de ces excursions qu’il se produisit un incident inattendu, de nature à compromettre gravement dans l’avenir la sécurité des hôtes de Will-Tree.

Godfrey et le noir étaient allés chasser dans la grande forêt centrale, au pied de la colline qui formait l’arête principale de l’île Phina. Depuis le matin, ils n’avaient vu passer que deux ou trois antilopes à travers les hautes futaies, mais à une trop grande distance pour qu’il eût été possible de les tirer avec quelque chance de les abattre.

Or, comme Godfrey, qui n’était point en quête de menu gibier, ne cherchait pas à détruire pour détruire, il se résignait à revenir bredouille. S’il le regrettait, ce n’était pas tant pour la chair d’antilope que pour la peau de ces ruminants, dont il comptait faire un bon emploi.

Il était déjà trois heures après-midi. Avant comme après le déjeuner, que son compagnon et lui avaient fait sous bois, il n’avait pas été plus heureux. Tous deux s’apprêtaient donc à regagner Will-Tree pour l’heure du dîner, lorsque, au moment de franchir la lisière de la forêt, Carèfinotu fit un bond ; puis, se précipitant sur Godfrey, il le saisit par les épaules et l’entraîna avec une vigueur telle, que celui-ci ne put résister.

Vingt pas plus loin, Godfrey s’arrêtait, il reprenait haleine, et, se tournant vers Carèfinotu, il l’interrogeait du regard.

Le noir, très effrayé, la main tendue, montrait un animal immobile, à moins de cinquante pas.

C’était un ours gris, dont les pattes embrassaient le tronc d’un arbre, et qui remuait de haut en bas sa grosse tête, comme s’il eût été sur le point de se jeter sur les deux chasseurs.

Aussitôt, sans même prendre le temps de la réflexion, Godfrey arma son fusil et fit feu, avant que Carèfinotu n’eût pu l’en empêcher.

L’énorme plantigrade fut-il atteint par la balle ? c’est probable. Était-il tué ? on ne pouvait l’assurer ; mais ses pattes se détendirent, et il roula au pied de l’arbre.

Il n’y avait pas à s’attarder. Une lutte directe avec un aussi formidable