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Mais on avait compté sans maître Mac-Fyne, le propriétaire de Caledonian Hotel.

Ce serait mal connaître ces estimables industriels, même dans l’hospitalière Écosse, si on les croyait capables de laisser partir une famille comprenant trois maîtres et deux domestiques, sans avoir tout fait pour la retenir. C’est ce qui arriva en cette circonstance.

Lorsqu’il eut été mis au courant de cette grave affaire, maître Mac-Fyne déclara que cela pouvait s’arranger à la satisfaction générale, sans parler de la satisfaction particulière qu’il éprouverait à garder le plus longtemps possible d’aussi nobles voyageurs.

Que voulait miss Campbell, et par conséquent que réclamaient messieurs Sib et Sam Melvill ? Une vue de mer découverte sur un large horizon ? Rien de plus aisé, puisqu’il ne s’agissait d’observer cet horizon qu’au coucher du soleil. On ne pouvait le voir du littoral d’Oban ? Soit ! Suffirait-il d’aller se poster sur l’île Kerrera ? Non. La grande île de Mull ne laisserait apercevoir qu’une petite portion de l’Atlantique dans le sud-ouest. Mais, en redescendant la côte, il y avait l’île Seil, qu’un pont rattache à sa pointe nord au littoral écossais. Là, rien qui pût gêner la vue, dans l’ouest, sur les deux cinquièmes du compas.

Or, se rendre à cette île, c’était une simple promenade de quatre à cinq milles, pas davantage, et, lorsque le temps serait propice, une excellente voiture, attelée de bons chevaux, pourrait y conduire en une heure et demie miss Campbell et sa suite.

À l’appui de son dire, l’éloquent hôtelier montrait la carte à grands points, suspendue dans le vestibule de l’hôtel. Miss Campbell put donc constater que maître Mac-Fyne ne cherchait point à en imposer. En effet, au large de l’île Seil se développait un large secteur, comprenant un tiers de cet horizon, sur lequel se traînait le soleil pendant les semaines qui précèdent et suivent l’équinoxe.

L’affaire s’arrangea donc à l’extrême contentement de maître Mac-Fyne et pour le plus grand accommodement des frères Melvill. Miss Campbell leur accorda généreusement son pardon, et ne fit plus aucune allusion désagréable à la présence d’Aristobulus Ursiclos.

« Mais, disait le frère Sam, il est au moins singulier qu’un horizon de mer manque précisément à Oban !

— La nature est si bizarre ! » répondit le frère Sib.