Page:Verne - L’École des Robinsons - Le Rayon vert.djvu/343

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
123
deux coups de fusil.

— Il faut le voir. »

Et Olivier Sinclair, tout courant, se rendit aux ruines du monastère. De là, son regard put plonger vers l’est plus en arrière, par-dessus les montagnes de Mull.

Ces montagnes se profilaient avec une extrême netteté ; leur crête ressemblait à une ligne tremblée, tracée au crayon, sur un fond d’une parfaite blancheur.

Il n’y avait pas d’autre vapeur dans le ciel, et le Ben More, bien découpé, ne s’empanachait d’aucune brume à trois mille pieds au-dessus du niveau de la mer.

Olivier Sinclair revint, une demi-heure après, avec quelques rassurantes paroles. Ce nuage n’était qu’un enfant perdu de l’espace ; il ne trouverait pas même à s’alimenter dans cette atmosphère asséchée, et périrait d’inanition en route.

Cependant le flocon blanchâtre avançait vers le zénith. Au grand déplaisir de tous, il suivait le chemin du soleil, il s’en approchait sous l’influence de la brise. En glissant à travers l’espace, sa structure se modifiait dans le remous du courant aérien. De la forme d’une tête de chien qu’il avait d’abord, il prit celle d’un poisson dessiné, comme une raie gigantesque ; puis il se massa en boule, sombre au centre, éclatante sur ses bords, et, à ce moment, atteignit le disque solaire.

Un cri échappa à miss Campbell, dont les deux bras se tendirent vers le ciel.

L’astre radieux, caché derrière cet écran de vapeurs, n’envoyait plus un seul de ses rayons à l’île. Iona, placée en dehors de la zone d’irradiation directe, venait de se voiler d’une grande ombre.

Mais bientôt la grande ombre se déplaça. Le soleil reparut dans tout son éclat. Le nuage s’abaissa vers l’horizon. Il ne devait pas même l’atteindre : une demi-heure après, il s’évanouissait, comme si quelque trouée se fût faite au ciel.

« Enfin, le voilà dissipé, s’écria la jeune fille, et puisse-t-il n’être suivi d’aucun autre !

— Non, rassurez-vous, miss Campbell, répondit Olivier Sinclair. Si ce nuage a disparu si vite et de cette façon, c’est qu’il n’a pas rencontré d’autres vapeurs dans l’atmosphère, c’est que tout l’espace, vers l’ouest, est d’une pureté absolue. *