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l’école des robinsons

bronches très faciles à irriter : c’est ce qui est cause qu’il n’a pas la mauvaise habitude du tabac. Il n’use pas non plus de spiritueux, pas de café, pas de liqueur, pas de vin pur. En un mot, tout ce qui pourrait réagir sur le système nerveux est rigoureusement supprimé de son hygiène. La bière légère, l’eau rougie, sont les seules boissons qu’il puisse prendre sans danger. C’est à sa prudence qu’il doit de n’avoir jamais consulté de médecin depuis qu’il est au monde.

« Son geste est prompt, sa démarche vive, son caractère franc et ouvert. Il pousse, en outre, la délicatesse jusqu’à l’extrême, et jusqu’ici c’est la crainte de rendre une femme malheureuse qui l’a fait hésiter à s’engager dans les liens du mariage. »

Telle fut la note produite par Tartelett ; mais, si engageante qu’elle pût être pour une demoiselle d’un certain âge, l’union projetée manqua. Le professeur demeura donc célibataire, et continua à donner ses leçons de danse et de maintien.

Ce fut vers cette époque qu’il entra, à ce titre, dans l’hôtel de William W. Kolderup ; puis, le temps aidant, ses élèves l’abandonnant peu à peu, il finit par compter comme un rouage de plus dans le personnel de l’opulente maison.

Après tout, c’était un brave homme, malgré ses ridicules. On s’attacha à lui. Il aimait Godfrey, il aimait Phina, qui le lui rendaient d’ailleurs. Aussi n’avait-il plus qu’une seule ambition au monde : leur inculquer toutes les délicatesses de son art, en faire, en ce qui concerne la bonne tenue, deux êtres accomplis.

Or, le croira-t-on ? ce fut lui, le professeur Tartelett, que William W. Kolderup choisit pour être le compagnon de son neveu pendant ce voyage projeté. Oui ! il avait quelque raison de croire que Tartelett n’avait pas peu contribué à pousser Godfrey à cette manie de déplacement, afin d’achever de se perfectionner en courant le monde. William W. Kolderup résolut donc de les faire courir à deux. Dès le lendemain, 16 avril, il fit prévenir le professeur de venir le trouver dans son cabinet.

Une prière du nabab était un ordre pour Tartelett. Le professeur quitta sa chambre, muni de ce petit violon de poche qu’on appelle pochette, afin d’être prêt à tout événement ; il monta le grand’escalier de l’hôtel, les pieds académiquement posés, comme il convient à un maître de danse, frappa à