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dix heures en chasse.

du sillon, montaient droit dans le ciel, comme des hélicoptères dont le ressort est lâché subitement.

Plus d’une fois, incapable de me maîtriser, j’avais vivement épaulé mon fusil.

« Ne tirez pas ! ne tirez pas ! me criait l’ami Brétignot, qui m’observait, sans en avoir l’air.

— Pourquoi ? Ne sont-ce point des cailles ?

— Non ! des alouettes ! Ne tirez pas ! »

Il va sans dire que Maximon, Duvauchelle, Pontcloué, Matifat et les deux autres m’avaient jeté plus d’un regard de travers. Puis, ils s’étaient prudemment écartés avec leurs chiens, qui, le nez bas, quêtaient au petit trot dans les luzernes, les sainfoins, les trèfles, et dont les queues retroussées frétillaient comme autant de points d’interrogation, auxquels je n’aurais su que répondre.

J’eus la pensée que ces messieurs ne se souciaient pas de rester dans la zone dangereuse d’un novice, dont le fusil les inquiétait quelque peu pour leurs tibias.

« Sacrebleu ! Tenez donc bien votre fusil ! me répéta Brétignot, au moment où il s’éloignait.

— Eh ! je ne le tiens pas plus mal qu’un autre ! » répondis-je, un peu agacé par ce luxe de recommandations.

Une seconde fois, Brétignot haussa les épaules et obliqua à gauche. Comme il ne me convenait point de rester en arrière, je pressai le pas.


V


J’avais rejoint mes compagnons, mais, afin de ne plus les alarmer, je portais mon fusil sur l’épaule, la crosse en l’air.

Qu’ils étaient superbes à voir, ces chasseurs de profession, dans leur tenue de chasse, veste blanche, ample pantalon de velours à côtes, larges souliers à