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l’école des robinsons

Star, Hamburg-American ou Transatlantique française, iraient le déposer suite littoral de l’ancien monde.

S’il voulait prendre à l’ouest, par la « Steam Transoceanic Golden Age », il lui serait facile de gagner Melbourne, puis l’isthme de Suez, avec les bateaux de la « Peninsular Oriental Steam Co ».

Les moyens de transport ne manquaient pas, et, grâce à leur concordance mathématique, le tour du monde n’est plus qu’une simple promenade de touriste.

Mais ce n’est pas ainsi que devait voyager le neveu-héritier du nabab de Frisco.

Non ! William W. Kolderup possédait, pour les besoins de son commerce, toute une flotte de navires à voiles et à vapeur. Il avait donc décidé qu’un de ses bâtiments serait « mis à la disposition du jeune Godfrey Morgan », comme s’il se fût agi d’un prince du sang, voyageant pour son plaisir, — aux frais des sujets de son père.

Par ses ordres, le Dream, solide steamer de six cents tonnes et de la force de deux cents chevaux, entra aussitôt en armement. Il devait être commandé par le capitaine Turcotte, un loup de mer, qui avait déjà couru tous les océans sous toutes les latitudes. Bon et hardi marin, cet habitué des tornades, des typhons et des cyclones, comptait déjà quarante ans de navigation sur cinquante ans d’âge. Se mettre à la cape et faire tête à l’ouragan n’était qu’un jeu pour ce « matelot », qui n’avait jamais été éprouvé que par le « mal de terre », c’est-à-dire lorsqu’il était en relâche. Aussi, de cette existence incessamment secouée sur le pont d’un bâtiment, avait-il conservé l’habitude de toujours se balancer à droite, à gauche, en avant, en arrière : il avait le tic du tangage et du roulis.

Un second, un mécanicien, quatre chauffeurs, douze matelots, en tout dix-huit hommes, devaient former l’équipage du Dream qui, s’il se contentait de faire tranquillement ses huit milles à l’heure, n’en possédait pas moins d’excellentes qualités nautiques. Qu’il n’eût pas assez de vitesse pour passer dans la lame lorsque la mer était grosse, soit ! mais aussi la lame ne lui passait pas dessus, avantage qui compense bien la médiocrité de la marche, surtout quand on n’est pas autrement pressé. D’ailleurs, le Dream était gréé en goélette, et, par un vent favorable, avec ses cinq cents yards carrés de toile, il pouvait toujours venir en aide à sa vapeur.

Il ne faudrait pas croire, toutefois, que le voyage du Dream ne dût être