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l’école des robinsons

ques douzaines d’œufs de bernache furent aussi trouvés dans les hautes roches qui fermaient la baie à sa partie nord. Il y aurait eu là de quoi rassasier de plus nombreux convives. La faim pressant, Godfrey et Tartelett ne songeaient guère à se montrer trop difficiles pour ce premier repas.

« Et du feu ? dit celui-ci.

— Oui !… du feu !… » répondit celui-là.

C’était la plus grave des questions, et elle amena les deux naufragés à faire l’inventaire de leurs poches.

Celles du professeur étaient vides ou à peu près. Elles ne contenaient que quelques cordes de rechange pour sa pochette, et un morceau de colophane pour son archet. Le moyen, je vous le demande, de se procurer du feu avec cela !

Godfrey n’était guère mieux pourvu. Cependant, ce fut avec une extrême satisfaction qu’il retrouva dans sa poche un excellent couteau, que sa gaîne de cuir avait soustrait au contact de la mer. Ce couteau, avec lame, vrille, serpe, scie, c’était un instrument précieux dans la circonstance. Mais, sauf cet outil, Godfrey et son compagnon n’avaient que leurs deux mains. Encore est-il que les mains du professeur ne s’étaient jamais exercées qu’à jouer de la pochette ou à faire des grâces. Godfrey pensa donc qu’il ne faudrait compter que sur les siennes.

Toutefois, il songea à utiliser celles de Tartelett pour se procurer du feu au moyen de deux morceaux de bois rapidement frottés l’un contre l’autre. Quelques œufs, durcis sous la cendre, auraient été singulièrement appréciés au second déjeuner de midi.

Donc, pendant que Godfrey s’occupait à dévaliser les nids, malgré les propriétaires qui essayaient de défendre leur progéniture en coquille, le professeur alla ramasser quelques morceaux de bois dont le sol était jonché au pied des dunes. Ce combustible fut rapporté au bas d’un rocher abrité du vent de mer. Tartelett choisit alors deux fragments bien secs, avec l’intention d’en dégager peu à peu le calorique au moyen d’un frottement vigoureux et continu.

Ce que font communément de simples sauvages polynésiens, pourquoi le professeur qui, dans son opinion, leur était de beaucoup supérieur, n’arriverait-il pas à le faire lui-même ?

Le voilà donc frottant, refrottant, à se disloquer les muscles du bras et de l’avant-bras. Il y mettait une sorte de rage, le pauvre homme ! Mais, soit que