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où godfrey fait comme tout autre naufragé

de ces arbres, dont l’épais feuillage laissait à peine filtrer quelques rayons solaires. C’était leur direction qui devait, cependant, guider notre jeune explorateur vers cette haute colline, dont le rideau dérobait encore à ses regards tout l’horizon de l’est.

De sentier, il n’y en avait pas. Le sol, cependant, n’était point vierge de toute empreinte. Godfrey remarqua, en de certains endroits, des passées d’animaux. À deux ou trois reprises, il crut même voir s’enfuir quelques rapides ruminants, élans, daims ou cerf wapitis, mais il ne reconnut aucune trace de bêtes féroces, telles que tigres ou jaguars, dont il n’avait pas lieu, d’ailleurs, de regretter l’absence.

Le haut entresol de la forêt, c’est-à-dire toute cette portion des arbres comprise entre la première fourche et l’extrémité des branches, donnait asile à un grand nombre d’oiseaux : c’étaient des pigeons sauvages par centaines, puis, sous les futaies, des orfraies, des coqs de bruyère, des aracaris au bec en patte de homard, et plus haut, planant au-dessus des clairières, deux ou trois de ces gypaëtes, dont l’œil ressemble à une cocarde. Toutefois, aucun de ces volatiles n’était d’une espèce assez spéciale pour qu’on en pût déduire quelle était la latitude de ce continent.

Il en était ainsi des arbres de cette forêt. Mêmes essences à peu près que celles de cette partie des États-Unis qui comprend la Basse-Californie, la baie de Monterey et le Nouveau-Mexique. Là poussaient des arbousiers, des cornouillers à grandes fleurs, des érables, des bouleaux, des chênes, quatre ou cinq variétés de magnolias et de pins maritimes, tels qu’il s’en rencontre dans la Caroline du Sud ; puis, au milieu de vastes clairières, des oliviers, des châtaigniers, et, en fait d’arbrisseaux, des touffes de tamarins, de myrtes, de lentisques, ainsi qu’en produit le sud de la zone tempérée. En général, il y avait assez d’espace entre ces arbres pour que l’on pût passer, sans être obligé de recourir ni au feu ni à la hache. La brise de mer circulait facilement à travers le haut branchage, et, çà et là, de grandes plaques de lumière miroitaient sur le sol.

Godfrey allait donc ainsi, traversant en ligne oblique ces dessous de grands bois. De prendre quelques précautions, cela ne lui venait même pas à l’idée. Le désir d’atteindre les hauteurs qui bordaient la forêt dans l’est l’absorbait tout entier. Il cherchait, à travers le feuillage, la direction des rayons solaires, afin de marcher plus directement à son but. Il ne voyait même pas ces oiseaux-guides, — ainsi nommés parce qu’ils volent devant les pas du voyageur, —