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où la question du logement est résolue

l’eau fraîche d’un petit ruisseau fut avantageusement remplacée par un peu de lait, qu’une des chèvres se laissa traire.

Ah ! digne Tartelett ! où étaient ce « mint-julep », ce « portwine sangrie », ce « sherry-cobbler », ce « sherry-cocktail », dont il ne buvait guère, mais qu’il aurait pu se faire servir à toute heure dans les bars et les tavernes de San-Francisco ? Il en était à envier ces volatiles, ces agoutis, ces moutons, qui se désaltéraient, sans réclamer aucune adjonction de principes sucrés ou alcoolisés à l’eau claire ! À ces bêtes, il ne fallait pas de feu pour cuire leurs aliments : racines, herbes, graines, suffisaient, et leur déjeuner était toujours servi à point sur la table verte.

« En route, » dit Godfrey.

Et les voilà tous deux partis, suivis de leur cortège d’animaux domestiques, qui, décidément, ne voulaient point les quitter.

Le projet de Godfrey était d’aller explorer, au nord de l’île, cette portion de la côte, sur laquelle s’élevait ce bouquet de grands arbres qu’il avait aperçu du haut du cône. Mais, pour s’y rendre, il résolut de suivre le littoral. Peut-être le ressac y aurait-il apporté quelque épave du naufrage ? Peut-être trouverait-il là, sur le sable de la grève, quelques-uns de ses compagnons du Dream, gisant sans sépulture, et auxquels il conviendrait de donner une inhumation chrétienne ? Quant à rencontrer vivant, après avoir été sauvé comme lui, un seul matelot de l’équipage, il ne l’espérait plus, trente-six heures après la catastrophe.

La première ligne des dunes fut donc franchie. Godfrey et son compagnon se retrouvèrent bientôt à la naissance du récif, et ils le revirent tout aussi désert qu’ils l’avaient laissé. Là, par précaution, ils renouvelèrent leur provision d’œufs et de coquillages, dans la prévision que ces maigres ressources pourraient leur manquer au nord de l’île. Puis, suivant la frange des varechs abandonnés par la dernière marée, ils remontèrent en interrogeant du regard toute cette portion de la côte.

Rien ! toujours rien !

Décidément, convenons que si la mauvaise fortune avait fait des Robinsons de ces deux survivants du Dream, elle s’était montrée plus rigoureuse à leur égard qu’envers leurs devanciers ! À ceux-ci, il restait toujours quelque chose du bâtiment naufragé. Après en avoir retiré une foule d’objets de première nécessité, ils pouvaient en utiliser les débris. C’étaient des vivres pour quelque temps, des vêtements, des outils, des armes, enfin de quoi pourvoir aux exigences les plus