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l’archipel en feu.

capitaine Todros, et qui, depuis le début de la guerre, se sont justement fait une grande réputation de courage…

— Oui, de courage… et d’avidité, Todros, répondit Henry d’Albaret. Il y a deux mois à peine, ils tenaient le sort de la Crète dans leurs mains. Mustapha et les siens, surpris par eux, allaient être exterminés ; mais, sur son ordre, ses soldats jetèrent bijoux, parures, armes de prix, tout ce qu’ils portaient de plus précieux, et, tandis que les Sphakiotes se débandaient pour ramasser ces objets, les Turcs ont pu s’échapper à travers le défilé dans lequel ils devaient trouver la mort !

— Cela est fort triste, mais, après tout, mon commandant, les Crétois ne sont pas absolument des Grecs ! »

Qu’on ne s’étonne pas d’entendre le second de la Syphanta, qui était d’origine hellénique, tenir ce langage. Non seulement à ses yeux, et quel qu’eût été leur patriotisme, les Crétois n’étaient pas des Grecs, mais ils ne devaient pas même le devenir à la formation définitive du nouveau royaume. Ainsi que Samos, la Crète allait rester sous la domination ottomane, ou tout au moins jusqu’en 1832, époque à laquelle le sultan devait céder à Méhemet-Ali tous ses droits sur l’île.