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une enchère à scarpanto.

êtres, de tout âge et de toute condition, récemment faits prisonniers par les Turcs, devaient y être mis en vente.

À cette époque, il y avait à Arkassa un bazar particulier, destiné à ce genre d’opération, un « batistan », tel qu’il s’en trouve en certaines villes des États barbaresques. Ce batistan contenait alors une centaine de prisonniers, hommes, femmes, enfants, solde des dernières razzias faites dans le Péloponnèse. Entassés pêle-mêle au milieu d’une cour sans ombre, sous un soleil encore ardent, leurs vêtements en lambeaux, leur attitude désolée, leur physionomie de désespérés, disaient tout ce qu’ils avaient souffert. À peine nourris et mal, à peine abreuvés et d’une eau trouble, ces malheureux s’étaient réunis par familles jusqu’au moment où le caprice des acheteurs allait séparer les femmes des maris, les enfants de leurs père et mère. Ils eussent inspiré la plus profonde pitié à tous autres qu’à ces cruels « bachis », leurs gardiens, que nulle douleur ne savait plus émouvoir. Et ces tortures, qu’étaient-elles auprès de celles qui les attendaient dans les seize bagnes d’Alger, de Tunis, de Tripoli, où la mort faisait si rapidement des vides qu’il fallait les combler sans cesse ?

Cependant, toute espérance de redevenir libres n’était pas enlevée à ces captifs. Si les acheteurs