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un hivernage dans les glaces.

sous le nom de phoques. Jean Cornbutte obtint à très-bas prix ces objets, qui allaient devenir pour lui d’une si grande utilité.

Le capitaine fit alors comprendre aux naturels qu’il était à la recherche d’un navire naufragé, et il leur demanda s’ils n’en avaient pas quelques nouvelles. L’un d’eux traça immédiatement sur la neige une sorte de navire et indiqua qu’un bâtiment de cette espèce avait été, il y a trois mois, emporté dans la direction du nord ; il indiqua aussi que le dégel et la rupture des champs de glaces les avaient empêchés d’aller à sa découverte, et, en effet, leurs pirogues fort légères, qu’ils manœuvrent à la pagaye, ne pouvaient tenir la mer dans ces conditions.

Ces nouvelles, quoique imparfaites, ramenèrent l’espérance dans le cœur des matelots, et Jean Cornbutte n’eut pas de peine à les entraîner plus avant dans la mer polaire.

Avant de quitter l’île Liverpool, le capitaine fit emplette d’un attelage de six chiens esquimaux qui se furent bientôt acclimatés à bord. Le navire leva l’ancre le 10 août au matin, et, par une forte brise, il s’enfonça dans les passes du nord.

On était alors parvenu aux plus longs jours de l’année, c’est-à-dire que, sous ces latitudes élevées, le soleil, qui ne se couchait pas, atteignait le plus haut point des spirales qu’il décrivait au-dessus de l’horizon.

Cette absence totale de nuit n’était pourtant pas très-sensible, car la brume, la pluie et la neige entouraient parfois le navire de véritables ténèbres.

Jean Cornbutte, décidé à aller aussi avant que possible, commença à prendre ses mesures d’hygiène. L’entrepont fut parfaitement clos, et chaque matin seulement on prit soin d’en renouveler l’air par des courants. Les poêles furent installés, et les tuyaux disposés de façon à donner le plus de chaleur possible. On recommanda aux hommes de l’équipage de ne porter qu’une chemise de laine par-dessus leur chemise de coton, et de fermer hermétiquement leur casaque de peau. Du reste, les feux ne furent pas encore allumés, car il importait de réserver les provisions de bois et de charbon de terre pour les grands froids.

Les boissons chaudes, telles que le café et le thé, furent distribuées régulièrement aux matelots matin et soir, et comme il était utile de se nourrir de viandes, on fit la chasse aux canards et aux sarcelles, qui abondent dans ces parages.

Jean Cornbutte installa aussi, au sommet du grand mât, « un nid de corneilles, » sorte de tonneau défoncé par un bout, dans lequel se tint constamment une vigie pour observer les plaines de glace.

Deux jours après que le brick eut perdu de vue l’île Liverpool, la température se refroidit subitement sous l’influence d’un vent sec. Quelques indices de l’hiver