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le pays des fourrures.

l’hiver ne faisait que commencer, et on devait craindre qu’une nouvelle tempête ne comblât ce fossé en quelques heures.

Pendant que le lieutenant examinait les ouvrages qui ne pouvaient plus défendre la maison principale, tant qu’un rayon de soleil n’aurait pas fondu cette croûte neigeuse, Mrs. Joliffe s’écria :

« Et nos chiens ! et nos rennes ! »

Et, en effet, il fallait se préoccuper de l’état de ces animaux. La « dog-house » et l’étable, moins élevées que la maison, devaient être entièrement ensevelies, et il était possible que l’air y eût manqué. On se précipita donc, qui vers le chenil, qui vers l’étable des rennes, mais toute crainte fut immédiatement dissipée. La muraille de glace qui reliait l’angle nord de la maison à la falaise avait protégé en partie les deux constructions, autour desquelles la hauteur de la couche de neige ne dépassait pas quatre pieds. Les « jours » ménagés dans les parois n’étaient donc point obstrués. On trouva les animaux en bonne santé, et la porte ayant été ouverte, les chiens s’échappèrent en jetant de longs aboiements de satisfaction.

Cependant, le froid commençait à piquer vivement, et après une promenade d’une heure, chacun songea au poêle bienfaisant qui ronflait dans la grande salle. Il n’y avait rien à faire au-dehors en ce moment. Les trappes, enfouies sous dix pieds de neige, ne pouvaient être visitées. On rentra donc. La fenêtre fut fermée, et chacun prit sa place à table, car l’heure du dîner était arrivée.

On pense bien que, dans la conversation, il fut question de ce froid subit, qui avait si rapidement solidifié l’épaisse couche des neiges. C’était une circonstance regrettable, qui compromettait, jusqu’à un certain point, la sécurité du fort.

« Mais, monsieur Hobson, demanda Mrs. Paulina Barnett, ne pouvons-nous compter sur quelques jours de dégel qui réduiront en eau toute cette glace ?

— Non, madame, répondit le lieutenant, un dégel à cette époque de l’année n’est pas probable. Je crois plutôt que l’intensité du froid s’accroîtra encore, et il est fâcheux que nous n’ayons pu enlever cette neige, quand elle était molle.

— Quoi ! vous pensez que la température subira un abaissement plus considérable ?

— Sans aucun doute, madame. Quatre degrés au-dessous de zéro[1] (20° centigr. au-dessous de glace), qu’est-ce cela pour une latitude aussi élevée ?

  1. Il s’agit du zéro Fahrenheit.