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un savant dégelé.

l’avait mise au courant de la situation ; mais peut-être, — car il aimait à parler, — fût-il entré dans de nouveaux détails, si un incident ne lui eût coupé la parole.

En effet, le caporal Joliffe venait d’annoncer à haute voix que, Mrs. Joliffe aidant, il allait procéder à la confection du punch. Cette nouvelle fut accueillie comme elle méritait de l’être. Quelques hurrahs éclatèrent. Le bol, — c’était plutôt un bassin, — le bol était rempli de la précieuse liqueur. Il ne contenait pas moins de dix pintes de brandevin. Au fond s’entassaient les morceaux de sucre, dosés par la main de Mrs. Joliffe. À la surface, surnageaient les tranches de citron, déjà racornies par la vieillesse. Il n’y avait plus qu’à enflammer ce lac alcoolique, et le caporal, la mèche allumée, attendait l’ordre de son capitaine, comme s’il se fût agi de mettre le feu à une mine.

« Allez, Joliffe ! » dit alors le capitaine Craventy.

La flamme fut communiquée à la liqueur, et le punch flamba, en un instant, aux applaudissements de tous les invités.

Dix minutes après, les verres remplis circulaient à travers la foule, et trouvaient toujours preneurs, comme des rentes dans un mouvement de hausse.

« Hurrah ! hurrah ! hurrah ! pour mistress Paulina Barnett ! Hurrah ! pour le capitaine ! »

Au moment où ces joyeux hurrahs retentissaient, des cris se firent entendre au dehors. Les invités se turent aussitôt.

« Sergent Long, dit le capitaine, voyez donc ce qui se passe ! »

Et sur l’ordre de son chef, le sergent, laissant son verre inachevé, quitta le salon.


CHAPITRE III

un savant dégelé


Le sergent Long, arrivé dans l’étroit couloir sur lequel s’ouvrait la porte extérieure du fort, entendit les cris redoubler. On heurtait violemment à la poterne qui donnait accès dans la cour, protégée par de hautes murailles de bois. Le sergent poussa la porte. Un pied de neige couvrait le sol. Le sergent, s’enfonçant jusqu’aux genoux dans cette masse blanche,