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une chance à tenter.

ils être renforcés dans leurs parties principales, leur châssis inférieur, leurs semelles recourbées à l’avant, etc. Cet ouvrage revenait de droit au charpentier Mac Nap et à ses hommes, qui rendirent ces véhicules aussi solides que possible.

On construisit en plus deux traîneaux-chariots, de grandes dimensions, destinés, l’un au transport des provisions, l’autre au transport des pelleteries. Ces travaux devaient être traînés par les rennes domestiques, et ils furent parfaitement appropriés à cet usage. Les pelleteries, c’était, on en conviendra, un bagage de luxe dont il n’était peut-être pas prudent de s’embarrasser. Mais Jasper Hobson voulait, autant que possible, sauvegarder les intérêts de la Compagnie de la baie d’Hudson, bien décidé, d’ailleurs, à abandonner ces fourrures en route, si elles compromettaient ou gênaient la marche de la caravane. On ne risquait rien, d’ailleurs, puisque ces précieuses fourrures, si on les laissait dans les magasins de la factorerie, seraient inévitablement perdues.

Quant aux provisions, c’était autre chose. Les vivres devaient être abondants et facilement transportables. On ne pouvait en aucune façon compter sur les produits de la chasse. Le gibier comestible, dès que le passage serait praticable, prendrait les devants et aurait bientôt rallié les régions du sud. Donc, viandes conservées, corn-beef, pâtés de lièvres, poissons secs, biscuits, dont l’approvisionnement était malheureusement fort réduit, etc., ample réserve d’oseille et de chochléarias, brandevin, esprit-de-vin pour la confection des boissons chaudes, etc., furent déposés dans un chariot spécial. Jasper Hobson aurait bien voulu emporter du combustible, car, pendant six cents milles, il ne trouverait ni un arbre, ni un arbuste, ni une mousse, et on ne pouvait compter ni sur les épaves, ni sur les bois charriés par la mer. Mais une telle surcharge ne pouvait être admise, et il fallut y renoncer. Très heureusement, les vêtements chauds ne devaient pas manquer ; ils seraient nombreux, confortables, et, au besoin, on puiserait au chariot des fourrures.

Quant à Thomas Black, qui depuis sa mésaventure s’était absolument retiré du monde, fuyant ses compagnons, se confinant dans sa chambre, ne prenant jamais part aux conseils du lieutenant, du sergent et de la voyageuse, il reparut enfin dès que le jour du départ fut définitivement fixé. Mais alors il s’occupa uniquement du traîneau qui devait transporter sa personne, ses instruments et ses registres. Toujours muet, on ne pouvait lui arracher une parole. Il avait tout oublié, même qu’il fût un savant, et, depuis qu’il avait été déçu dans l’observation de « son » éclipse, depuis que la solution des protubérances lunaires lui avait échappé, il n’avait plus apporté aucune attention à l’examen des phénomènes parti-