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tous au travail.

de destruction s’était accomplie. De ces demeures, il n’y avait plus trace ! Et maintenant l’île entraînait ses habitants avec elle vers les abîmes de l’Océan ! Mais peut-être, sous les débris de l’avalanche, leur vaillante compagne, Paulina Barnett, Madge, la jeune Esquimaude, l’astronome vivaient-ils encore ? Il fallait arriver à eux, ne dût-on plus trouver que leurs cadavres.

Le lieutenant Hobson, d’abord atterré, reprit son sang-froid, et s’écria :

« Aux pioches et aux pics ! La maison était solide ! Elle a pu résister. À l’ouvrage ! »

Les outils et les pics ne manquaient pas. Mais, en ce moment, on ne pouvait s’approcher de l’enceinte. Les glaçons y roulaient du sommet des icebergs découronnés, dont quelques-uns, parmi les restes de cette banquise, s’élevaient encore à deux cents pieds au-dessus de l’île Victoria. Que l’on s’imagine dès lors la puissance d’écrasement de ces masses ébranlées qui semblaient surgir de toute la partie septentrionale de l’horizon. Le littoral, dans cette portion comprise entre l’ancien cap Bathurst et le cap Esquimau, était non seulement dominé, mais envahi par ces montagnes mouvantes. Irrésistiblement poussées, elles s’avançaient déjà d’un quart de mille au-delà du rivage. À chaque instant, un tressaillement du sol et une détonation éclatante annonçaient qu’une de ces masses s’abattait. Conséquence effroyable, on pouvait craindre que l’île ne fût submergée sous un tel poids. Une dénivellation très sensible indiquait que toute cette partie du rivage s’enfonçait peu à peu, et déjà la mer s’avançait en longues nappes jusqu’aux approches du lagon.

La situation des hiverneurs était terrible, et, pendant tout le reste de la nuit, sans rien pouvoir tenter pour sauver leurs compagnons, repoussés de l’enceinte par les avalanches, incapables de lutter contre cet envahissement, incapables de le détourner, ils durent attendre, en proie au plus sombre désespoir.

Le jour parut enfin. Quel aspect offraient ces environs du cap Bathurst ! Là où s’étendait le regard, l’horizon était maintenant fermé par la barrière de glace. Mais l’envahissement semblait être arrêté, au moins momentanément. Cependant, çà et là, quelques blocs s’écroulaient encore du sommet des icebergs mal équilibrés. Mais leur masse entière, profondément engagée sous les eaux, par sa base, communiquait maintenant à l’île toute la force de dérive qu’elle puisait dans les profondeurs du courant, et l’île s’en allait au sud, c’est-à-dire à l’abîme, avec une vitesse considérable.

Ceux qu’elle entraînait avec elle ne s’en apercevaient seulement pas. Ils