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le pays des fourrures.

Compagnie, ses luttes avec les concurrents des agences rivales, ses tentatives d’exploration dans les territoires inconnus du nord et de l’ouest. De son côté, Mrs. Paulina Barnett fit le récit de ses propres pérégrinations à travers les contrées intertropicales. Elle dit tout ce qu’elle avait accompli et tout ce qu’elle comptait accomplir un jour. C’était entre le lieutenant et la voyageuse un agréable échange de récits qui charmait les longues heures du voyage.

Pendant ce temps, les traîneaux, enlevés au galop des chiens, s’avançaient vers le nord. La vallée de la Coppermine s’élargissait sensiblement aux approches de la mer Arctique. Les collines latérales, moins abruptes, s’abaissaient peu à peu. Certains bouquets d’arbres résineux rompaient çà et là la monotonie de ces paysages assez étranges. Quelques glaçons, charriés par la rivière, résistaient encore à l’action du soleil, mais leur nombre diminuait de jour en jour, et un canot, une chaloupe même eût descendu sans peine le courant de cette rivière, dont aucun barrage naturel, aucune agrégation de rocs ne gênait le cours. Le lit de la Coppermine était profond et large. Ses eaux, très limpides, alimentées par la fonte des neiges, coulaient assez vivement, sans jamais former de tumultueux rapides. Son cours, d’abord très sinueux dans sa partie haute, tendait peu à peu à se rectifier et à se dessiner en droite ligne sur une étendue de plusieurs milles. Quant aux rives, alors larges et plates, faites d’un sable fin et dur, tapissées en certains endroits d’une petite herbe sèche et courte, elles se prêtaient au glissage des traîneaux et au développement de la longue suite des attelages. Pas de côtes, et, par conséquent, un tirage facile sur ce terrain nivelé.

Le détachement s’avançait donc avec une grande rapidité. On allait nuit et jour, — si toutefois cette expression peut s’appliquer à une contrée au-dessus de laquelle le soleil, traçant un cercle presque horizontal, disparaissait à peine. La nuit vraie ne durait pas deux heures sous cette latitude, et l’aube, à cette époque de l’année, succédait presque immédiatement au crépuscule. Le temps était beau d’ailleurs, le ciel assez pur, quoique un peu embrumé à l’horizon, et le détachement accomplissait son voyage dans des conditions excellentes.

Pendant deux jours, on continua de côtoyer sans difficulté le cours de la Coppermine. Les environs de la rivière étaient peu fréquentés par les animaux à fourrure, mais les oiseaux y abondaient. On aurait pu les compter par milliers. Cette absence presque complète de martres, de castors, d’hermines, de renards et autres, ne laissait pas de préoccuper le lieutenant. Il se demandait si ces territoires n’avaient pas été abandonnés comme ceux du sud par la population, trop vivement pourchassée, des