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LE PILOTE DU DANUBE.

trument, enlevé comme une plume, se mit à décrire des courbes éperdues à quelques centimètres au-dessus de la surface de l’eau.

Étouffant une exclamation de dépit, Ilia Brusch, après un coup d’œil plein d’inquiétude à l’adresse de M. Jaeger, eut tôt fait de ramener à lui les lunettes vagabondes, qu’il s’empressa de remettre à leur place primitive. Alors seulement il parut soulagé.

Cet incident n’avait duré que quelques secondes, mais ces quelques secondes avaient suffi à Karl Dragoch pour constater que son hôte possédait de magnifiques yeux bleus, dont le regard très vif semblait peu compatible avec une vue maladive.

Le détective ne put faire autrement que de réfléchir à cette singularité, son tempérament le portant à réfléchir sur tous les sujets qui sollicitaient son attention, et ses réflexions ne furent pas terminées après que les yeux bleus eurent disparu de nouveau derrière l’écran noir qui les dissimulait habituellement. Il est inutile de dire qu’Ilia Brusch ne pêcha pas davantage ce jour-là. Son estafilade, plus douloureuse que grave, sommairement pansée, il rangea avec soin ses engins, tandis que le bateau suivait tout seul le fil du courant, puis ce fut l’heure du déjeuner.

Peu d’instants auparavant, on était passé au pied du Kalhemberg, mont de trois cent cinquante mètres, dont le sommet domine la ville de Vienne. Maintenant, plus on avançait, plus l’animation des rives annonçait