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UN PORTRAIT DE FEMME.

course furieuse, la barge évita du moins la montagne d’eau qu’il soulevait sur son passage. C’est pourquoi elle ne fut pas submergée, ce qui eût été fatal sans la manœuvre d’Ilia Brusch. Saisie par les spires les plus extérieures du tourbillon, elle fut simplement lancée avec violence selon une courbe de grand rayon.

À peine effleurée par la pieuvre aérienne, dont la tentacule avait, cette fois, manqué le but, l’embarcation fut presque aussitôt lâchée qu’aspirée. En quelques secondes, la trombe était passée et la vague s’enfuyait en rugissant vers l’aval, tandis que la résistance de l’eau neutralisait peu à peu la vitesse acquise de la barge.

Malheureusement, avant que ce résultat fût complètement atteint, un nouveau danger se révéla à l’improviste. Droit devant l’étrave, qui fendait l’eau avec la vitesse d’un express, le pêcheur aperçut tout à coup un des arbres arrachés, qui, les racines en l’air, suivait lentement le courant. L’embarcation, lancée dans l’enchevêtrement de ces racines, ne pouvait manquer de chavirer, d’être gravement endommagée tout au moins. Ilia Brusch poussa un cri d’effroi, en découvrant cet obstacle imprévu.

Mais Karl Dragoch avait aussi vu le danger, il en avait compris l’imminence. Sans hésiter, il s’élança à l’avant de la barge, ses mains saisirent les racines qui s’échevelaient hors de l’eau, et, s’arc-boutant pour mieux lutter contre l’impulsion du bateau,