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LE PILOTE DU DANUBE.

comme un aveugle pour reconnaître les objets familiers. Il ne semblait pas que l’on eût rien touché. Là étaient ses instruments de pêche ; à ce clou pendait encore le bonnet de loutre qu’il y avait lui-même accroché. À droite, c’était sa couchette ; à gauche, celle où M. Jaeger avait si longtemps dormi… Mais pourquoi étaient-ils ouverts, les coffres ménagés au-dessous de ces couchettes ? On les avait donc forcés ?… Invisibles dans l’ombre, ses mains hésitantes firent l’inventaire de ses modestes richesses… Non, on ne lui avait rien pris. Linge et vêtements paraissaient en bon ordre, comme il les avait laissés… Jusqu’à son couteau qu’il retrouva à la place même où il l’avait rangé. Ce couteau, Serge Ladko l’ouvrit, puis, rampant sur le ventre dans le fond de la barge, il s’avança vers l’étrave.

Quel voyage ! L’oreille aux aguets, les yeux vainement ouverts dans les ténèbres, s’arrêtant, la respiration coupée, au moindre clapotis de l’eau, il lui fallut dix minutes pour arriver au but. Enfin, sa main put saisir la bosse, qu’il trancha d’un seul coup.

La corde coupée fouetta l’eau à grand bruit. Ladko, le cœur battant, retomba dans la barge. Impossible qu’on n’ait pas entendu la chute de cette corde, dans un silence si profond…

Non… rien ne bougeait… Le pilote, peu à peu redressé, comprit qu’il était déjà loin