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LA MAISON VIDE.

tention à suivre le pilote, qu’il ne vit même pas deux hommes, qui débouchaient d’une ruelle au moment où il la traversait.

Dès qu’ils furent sur le chemin longeant le fleuve, ces deux hommes se séparèrent. L’un s’éloigna à droite, vers l’aval.

« Bonsoir, dit-il en bulgare.

— Bonsoir », répondit l’autre, qui, tournant à gauche, emboîta le pas à Karl Dragoch.

Au son de cette voix, celui-ci avait tressailli. Une seconde, il hésita, en ralentissant instinctivement sa marche, puis, abandonnant sa poursuite, il s’arrêta soudain et fit volte-face.

Tout un ensemble de dons naturels ou acquis est nécessaire au policier qui a l’ambition de ne pas croupir dans les bas emplois de sa profession. Mais, la plus précieuse des multiples qualités qu’il doit posséder, c’est une parfaite mémoire de l’œil et de l’oreille.

Karl Dragoch possédait cet avantage au plus haut degré. Ses nerfs auditifs et visuels constituaient de véritables appareils enregistreurs, et leurs sensations lumineuses ou sonores, il ne les oubliait jamais, quelle que fût la longueur du temps écoulé. Après des mois, après des années, il reconnaissait du premier coup un visage à peine aperçu, la voix qui, une seule fois, avait fait vibrer son tympan.

Il en était précisément ainsi pour l’une de celles qu’il venait d’entendre, et, dans