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LE PILOTE DU DANUBE.

Laissant sur la droite le bras de Sulina, elle s’engagea franchement dans celui de Kilia. À midi, on passait devant Ismaïl, dernière ville de quelque importance que l’on dût rencontrer. Dès les premières heures du lendemain, on déboucherait dans la mer Noire.

Aurait-on rejoint auparavant le chaland de Striga ? Rien n’autorisait à le croire. Depuis qu’on avait abandonné le bras principal, la solitude du fleuve était devenue complète. Si loin que s’étendît le regard, plus une voile, plus un panache de fumée. Karl Dragoch était dévoré d’inquiétude.

Quant à Serge Ladko, s’il était inquiet, il n’en laissait rien paraître. Toujours courbé sur l’aviron, il poussait inlassablement la barge de l’avant, attentif à suivre le chenal que seule une longue pratique lui permettait de reconnaître entre les rives basses et marécageuses.

Son courage obstiné devait avoir sa récompense. Dans l’après-midi de ce même jour, vers cinq heures, un chaland apparut enfin, mouillé à une douzaine de kilomètres au-dessous de la ville forte de Kilia. Serge Ladko, arrêtant le mouvement de son aviron, saisit une longue-vue et examina attentivement ce chaland.

« C’est lui !… dit-il d’une voix étouffée en laissant retomber l’instrument.

— Vous en êtes sûr ?

— Sûr, affirma Serge Ladko. J’ai reconnu