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LE PILOTE DU DANUBE.

son nom, par un autre que lui, le voyage qu’il avait entrepris, il existait peut-être un moyen terme d’arriver au même but. Dans l’impossibilité d’être Ilia Brusch, Karl Dragoch ne pouvait-il se contenter de prendre passage à son bord ? Qui ferait attention au compagnon d’un homme devenu presque célèbre et qui monopoliserait par conséquent à son profit l’intérêt général ? Et même, si quelqu’un laissait par inadvertance tomber un regard distrait sur ce compagnon obscur, était-il admissible qu’il établît le moindre rapprochement entre ce vague inconnu et le policier, qui accomplirait ainsi sa mission dans une ombre protectrice ?

Ce projet longuement examiné, Karl Dragoch, en dernière analyse, le jugea excellent, et résolut de le réaliser. On a vu avec quelle maëstria il avait machiné sa scène initiale, mais cette scène eût été, au besoin, suivie de beaucoup d’autres. S’il l’avait fallu, Ilia Brusch eût été traîné chez le commissaire, emprisonné même sous de spécieux prétextes, effrayé de cent façons. Karl Dragoch, on peut en être sûr, eût joué de l’arbitraire sans remords, jusqu’au moment où le pêcheur, terrifié, n’aurait plus vu qu’un sauveur dans le passager qu’il repoussait.

Le détective s’estimait heureux, toutefois, d’avoir triomphé sans employer cette violence morale et sans continuer la comédie plus loin que le premier acte.