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TROIS PIROGUES NAVIGUANT DE CONSERVE.

— Eh ! c’est regrettable ; monsieur Miguel, car cette bête, cuite à point, offre aux gourmets un excellent régal ! »

Tel est aussi l’avis de M. Chaffanjon, ainsi que Jean le déclara : un singe, vidé, flambé, rôti à petit feu suivant la mode indienne, et d’une couleur dorée des plus appétissantes, c’est un manger de premier choix.

Ce soir-là, il fallut se contenter des pécaris, qui furent partagés entre les trois pirogues. Assurément, le sergent Martial aurait eu mauvaise grâce à refuser la part que lui apporta Jacques Helloch, attention dont le jeune garçon le remercia en disant :

« Si notre compatriote fait l’éloge du singe à la broche, il ne vante pas moins les mérites du pécari, et il affirme même quelque part n’avoir rien goûté de meilleur pendant le cours de son exploration…

— Et il a raison, monsieur Jean… répondit Jacques Helloch ; mais, faute de singes…

— On mange des merles ! » répliqua le sergent Martial, qui regarda cette réponse comme un remerciement.

En réalité, ces pécaris, appelés boquiros en langue indigène, étaient délicieux, et le sergent Martial dut en convenir. Toutefois il déclara à Jean qu’il entendait ne plus jamais manger que de ceux qu’il aurait tués de sa propre main.

« Cependant, mon oncle, il est difficile de refuser… M. Helloch est fort complaisant…

— Trop complaisant, mon neveu !… D’ailleurs, je suis là, que diable ! et qu’on me mette un pécari à bonne portée, je l’abattrai tout aussi bien que ce M. Helloch ! »

Le jeune garçon ne put s’empêcher de sourire, en tendant la main à son brave compagnon.

« Heureusement, murmura celui-ci, toutes ces politesses, qui ne me vont guère, prendront fin à San-Fernando, et ce ne sera pas trop tôt, je pense ! »

Départ le lendemain, dès le petit jour, alors que les passagers