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LE SUPERBE ORÉNOQUE.

mètres jusqu’à l’embouchure du rio Arauca. On le reconnut bien, le lendemain, 26 août, à voir les débris de toutes sortes que charriait le fleuve, dont les eaux, d’habitude si limpides, avaient pris une teinte limoneuse. Si les deux pirogues ne s’étaient abritées au fond de ce petit port, si elles eussent été surprises en plein Orénoque, il n’en serait plus resté que d’informes carcasses. Équipages et passagers auraient péri, sans qu’il eût été possible de leur porter secours.

Très heureusement, Buena Vista fut épargnée, la diagonale de ce chubasco s’étant établie plus à l’ouest.

Buena Vista occupe la partie latérale d’une île prolongée par de vastes bancs de sable à l’époque de la saison sèche, et que la crue du fleuve réduit notablement pendant la saison des pluies. C’est ce qui avait permis à la Gallinetta et à la Maripare de gagner la base même du village.

Village ?…. Il n’y a là qu’une agglomération de quelques cases, pouvant loger cent cinquante à deux cents Indiens. Ils n’y viennent que pour la récolte des œufs de tortues, dont on tire une huile de vente courante sur les marchés vénézuéliens. Aussi, durant le mois d’août, ce village est-il à peu près abandonné, car la ponte cesse vers la moitié du mois de mai. Il n’y avait plus à Buena Vista qu’une demi-douzaine d’Indiens, vivant de pêche et de chasse, et ce n’est pas chez eux que les pirogues auraient pu s’approvisionner, si cela eût été nécessaire. Comme leurs réserves n’étaient point épuisées, elles suffiraient jusqu’à la bourgade de la Urbana où il serait facile de se ravitailler.

L’important était que les falcas n’eussent pas souffert de ce terrible coup de vent.

D’ailleurs, sur le conseil des mariniers, les passagers avaient accepté d’être mis à terre pendant la nuit. Une famille de ces indigènes, qui occupait une case assez propre, leur avait offert l’hospitalité. Ces Indiens appartenaient à la tribu des Yaruros, qui comptaient jadis parmi les premières du pays, et, contrairement à