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les tribulations d’un chinois en chine

tête en ces graves conjonctures. Leur parti fut pris immédiatement : il fallait obliger Kin-Fo à quitter la jonque avant l’heure de la deuxième veille, et fuir avec lui.

Mais comment s’échapper ? S’emparer de l’unique embarcation du bord ? Impossible. C’était une lourde pirogue qui exigeait les efforts de tout l’équipage pour être hissée du pont et mise à la mer. Or le capitaine Yin et ses complices ne s’y seraient pas prêtés. Donc, nécessité d’agir autrement, quels que fussent les dangers à courir.

Il était alors sept heures du soir. Le capitaine, enfermé dans sa cabine, n’avait pas reparu. Il attendait évidemment l’heure convenue avec les compagnons de Lao-Shen.

« Pas un instant à perdre ! » dirent Fry-Craig.

Non ! pas un ! Les deux agents n’auraient pas été plus menacés sur un brûlot, entraîné au large, mèche allumée.

La jonque semblait alors abandonnée à la dérive. Un seul matelot dormait à l’avant.

Craig et Fry poussèrent la porte du rouffle de l’arrière, et arrivèrent près de Kin-Fo.

Kin-Fo dormait. La pression d’une main l’éveilla.

« Que me veut-on ? » dit-il.

En quelques mots, Kin-Fo fut mis au courant de la situation. Le courage et le sang-froid ne l’abandonnèrent pas.

« Jetons tous ces faux cadavres à la mer ! » s’écria-t-il.

Une crâne idée, mais absolument inexécutable, étant donné la complicité du capitaine Yin et de ses passagers de la cale.

« Que faire alors ? demanda-t-il.

— Revêtir ceci ! » répondirent Fry-Craig.

Ce disant, ils ouvrirent un des colis embarqués à Tong-Tchéou et présentèrent à leur client un de ces merveilleux appareils nautiques, inventés par le capitaine Boyton.

Le colis contenait encore trois autres appareils avec les différents ustensiles qui les complétaient et en faisaient des engins de sauvetage de premier ordre.

« Soit, dit Kin-Fo. Allez chercher Soun ! »

Un instant après, Fry ramenait Soun, complètement hébété. Il fallut l’ha-