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maître du monde

Alors se produisit ce qui était à prévoir. Les câbles avaient appris à l’Europe ce que proposait l’Amérique. Les divers États de l’Ancien Continent feraient tout autant qu’elle leur profit de cette invention ! Pourquoi ne pas lui disputer la possession d’un appareil dont il y avait à tirer des avantages si considérables ?… Pourquoi ne pas se jeter dans la lutte à coups de millions ?…

En effet, les grandes puissances allaient s’en mêler : la France, l’Angleterre, la Russie, l’Italie, l’Autriche, l’Allemagne. Seuls les États de second ordre n’essaieraient pas de se lancer dans la bataille au détriment de leurs budgets. La presse européenne publia des notes identiques à celle des États-Unis. Et, en vérité, il ne tiendrait qu’à l’extraordinaire « chauffeur » de devenir un rival des Gould, des Morgan, des Astor, des Vanderbilt et des Rothschild de France, d’Angleterre ou d’Autriche !

Et, comme ledit personnage ne donnait pas signe de vie, voici que des offres fermes lui furent faites pour l’engager à dissiper le mystère qui l’entourait. Le monde entier devint un marché public, une bourse universelle où se débattaient d’invraisemblables enchères. Deux fois par jour, les journaux en indiquaient le chiffre, et elles allaient toujours croissant de millions en millions !

En somme, ce furent les États-Unis qui, après une mémorable séance du Congrès, l’emportèrent grâce au vote de vingt millions de dollars, soit cent millions de francs.

Eh bien ! il ne se rencontra pas un seul citoyen en Amérique, à quelque classe de la société qu’il appartînt, pour trouver ce chiffre exagéré, tant on attachait d’importance à la possession de ce prodigieux engin de locomotion. Et moi, tout le premier, je ne cessais de répéter à la bonne Grad que « ça valait plus que ça ! »

Sans doute, les autres nations n’étaient pas de cet avis, car