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en campagne

quelques branches, ils faisaient du feu sur le sable. Cette crique est si déserte qu’ils ne pouvaient y être rencontrés et ils devaient le savoir…

— Vous les reconnaîtriez ?…

— Parfaitement… l’un, de moyenne taille, vigoureux, les traits durs, toute sa barbe… l’autre trapu, plus petit… Puis, comme la veille, je suis reparti vers cinq heures. Rentré à Toledo, on m’a remis un télégramme de M. Ward me prévenant de votre arrivée, et je suis allé vous attendre à la gare. »

Voici qui était formel : Depuis trente-six heures, le submersible avait fait relâche à la crique de Black-Rock, en vue de réparations indispensables probablement, et peut-être, par bonne fortune, l’y trouverions-nous encore… Quant à la présence de l’Épouvante sur l’Érié, elle s’expliquait naturellement, Arthur Wells et moi nous dûmes en convenir. La dernière fois que l’appareil avait été vu, c’était à la surface du lac Supérieur. Or, la distance entre ce lac et l’Érié, il avait pu la franchir soit par terre, en suivant les routes du Michigan jusqu’à la rive occidentale du lac, soit par eau, en remontant le cours de Detroit-river, peut-être même entre deux eaux. Toutefois, son passage sur route n’avait point été signalé, bien que la police surveillât cet État avec autant de soin que n’importe quel autre du territoire américain… Restait donc l’hypothèse que l’automobile se fût changée en bateau ou en sous-marin. Dans ces conditions, le capitaine et ses compagnons auraient pu, sans donner l’éveil, atteindre les parages de l’Érié.

Et maintenant, si l’Épouvante avait déjà abandonné la crique, ou si elle nous échappait lorsque nous tenterions de l’arrêter, la partie serait-elle perdue ?… Je ne sais. En tout cas, elle serait très compromise.

Je n’ignorais pas que deux destroyers se trouvaient actuellement au port de Buffalo, à l’extrémité de l’Érié. Avant mon