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maître du monde

— Oui, ici, monsieur Strock.

— Eh bien, si c’est le même — et ce ne peut être que lui —, il n’y a aucune raison pour qu’il ne revienne pas à la même place…

— Là… là ! » dit alors Wells en tendant la main vers l’entrée de la crique.

Nos compagnons venaient de nous rejoindre. À demi couchés tous quatre sur le bord de la grève, nous regardions dans la direction indiquée.

On distinguait vaguement une masse noire qui se mouvait au milieu de l’ombre. Elle s’avançait très lentement, et devait être encore à plus d’une encablure au nord-est. C’est à peine si, maintenant, le grondement de son moteur se faisait entendre. Peut-être, après avoir stoppé, le bateau ne marchait-il plus que sur son erre ?…

Ainsi donc, comme la veille, l’appareil allait passer la nuit au fond de la crique !… Pourquoi avait-il quitté ce mouillage, auquel il revenait ?… Avait-il subi de nouvelles avaries qui l’empêchaient de prendre le large ?… Ou s’était-il vu dans la nécessité de partir avant que ses réparations fussent achevées ?… Quelle raison le contraignait à regagner cette place ? Enfin, existait-il un motif impérieux pour lequel, après s’être transformé en automobile, il n’aurait pu se lancer sur les routes de l’Ohio ?…

Toutes ces questions se présentaient à mon esprit, et l’on comprendra qu’il ne me fût pas permis de les résoudre.

D’ailleurs, nous raisonnions toujours, Wells et moi, d’après la conviction que cet engin était bien celui du Maître du Monde, cette Épouvante d’où il avait daté sa lettre de refus aux propositions de l’État.

Et, cependant, cette conviction ne pouvait avoir la valeur d’une certitude, bien qu’elle nous parût telle !…

Enfin, quoi qu’il en fût, le bateau continuait à s’approcher, et, certainement, son capitaine connaissait parfaitement ces passes