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le niagara

tractés, le capitaine attendait peut-être l’instant d’en finir par une dernière manœuvre…

Soudain, une détonation retentit à bord du destroyer de gauche. Un projectile, rasant la surface des eaux, passa sur l’avant de l’Épouvante et disparut à l’arrière du destroyer de droite.

Je me redressai. Debout à mon côté, l’homme semblait guetter un signe du capitaine…

Celui-ci ne tourna même pas la tête, et jamais je n’oublierai l’impression de mépris qui se peignait sur son visage !…

À l’instant, je fus poussé vers le panneau de ma cabine qui s’abattit sur moi, tandis que les autres panneaux se refermaient. À peine une minute s’écoula-t-elle avant que la plongée s’effectuât… Le sous-marin avait disparu sous les eaux du lac…

D’autres coups de canon éclatèrent encore, dont le sourd fracas arriva jusqu’à mon oreille. Puis tout se tut. Une vague lueur arrivait par le hublot de ma cabine. L’appareil, sans roulis ni tangage, filait silencieusement à travers l’Érié.

On voit avec quelle rapidité, avec quelle facilité aussi, s’était faite cette transformation de l’Épouvante, non moins rapide, non moins facile sans doute, lorsqu’il s’agissait de circuler sur les routes !

Et, maintenant, qu’allait faire le Maître du Monde ?… Très probablement, il modifierait sa direction, à moins que l’Épouvante, après avoir touché terre, ne dût redevenir automobile. Mais, à bien réfléchir, je pensai qu’il rallierait plutôt l’ouest, dès qu’il aurait dépisté les destroyers, et regagnerait alors l’embouchure de Detroit-river. L’immersion ne se prolongerait vraisemblablement que le temps nécessaire pour se mettre hors de portée des projectiles, et la nuit amènerait la fin de cette poursuite.

Il n’en fut pas ainsi. À peine dix minutes s’étaient-elles pas-