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maître du monde

sa retraite, et ne voulait-il pas qu’on n’y pût trouver un seul indice de son installation ?…

Le soleil avait disparu derrière les hauteurs des Montagnes-Bleues. Ses rayons n’enflammaient plus que l’extrémité du Black-Dome qui pointait au nord-est. Probablement, l’Épouvante attendrait la nuit pour reprendre son vol. Personne ne savait que d’automobile ou de bateau elle pût se transformer en aviateur. Jusqu’ici, d’ailleurs, elle n’avait jamais été signalée à travers l’espace. Et ne se révélerait-elle sous cette quatrième transformation que le jour où le Maître du Monde voudrait mettre à exécution ses menaces insensées ?…

Vers neuf heures, une profonde obscurité enveloppait l’enceinte. Pas une étoile au ciel que d’épais nuages, chassés par la brise de l’est, venaient d’assombrir. Le passage de l’Épouvante ne pourrait être aperçu, ni au-dessus des territoires américains, ni au-dessus des mers voisines.

À ce moment, Turner, s’approchant du bûcher dressé au centre de l’aire, mit le feu à la couche d’herbes.

Tout flamba en un instant. Au milieu d’une lourde fumée, des gerbes éclatantes montèrent à une hauteur qui dépassait les murailles du Great-Eyry. Encore une fois, les habitants de Morganton et de Pleasant-Garden purent croire que le cratère s’était rouvert et ces flammes n’annonçaient-elles pas quelque prochaine éruption !…

Je regardais cet incendie, j’entendais les crépitements qui déchiraient l’air. Debout sur le pont de l’Épouvante, Robur regardait aussi. Turner et son compagnon repoussaient dans le foyer les débris que la violence du feu rejetait sur le sol.

Puis, peu à peu, l’éclat diminua. Il n’y eut plus là qu’un brasier éteint sous d’épaisses cendres et le silence reprit au milieu de cette nuit noire.

Soudain, je me sentis saisir par le bras. Turner m’entraînait