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maître du monde

Cela ne laissait pas de préoccuper nos guides, et Harry Horn de dire à son camarade :

« Ce ne sera pas commode…

— Peut-être impossible ! » répondit James Bruck.

Cette réflexion me causa un véritable dépit. Si je redescendais sans même avoir pu gagner le Great-Eyry, ce serait le complet insuccès de ma mission, sans parler d’une curiosité que je n’aurais pu satisfaire !… Et, lorsque je me représenterais devant M. Ward, honteux et confus, je ferais triste mine !

On ouvrit les carniers, on se réconforta de viande froide et de pain. On puisa aux gourdes avec modération. Puis, ce repas achevé — il n’avait pas duré une demi-heure, — M. Smith se leva, prêt à se remettre en route.

James Bruck prit la tête et nous n’avions qu’à le suivre, en tâchant de ne point rester en arrière.

On avançait lentement. Nos guides ne cachaient point leur embarras, et Harry Horn alla en avant reconnaître quelle direction il convenait de prendre définitivement.

Son absence dura vingt minutes environ. Lorsqu’il fut de retour, il indiqua le nord-ouest et nous reprîmes la marche. C’est de ce côté que pointait le Black-Dome à une distance de trois ou quatre milles. On le sait, il eût été inutile d’en faire l’ascension, puisque, de sa cime, même avec une puissante lunette, l’œil ne pouvait rien apercevoir de l’intérieur du Great-Eyry.

La montée était fort pénible, lente, surtout le long de ces talus glissants, semés de quelques arbrisseaux et de grosses touffes végétales. Nous avions à peine gagné deux cents pieds en hauteur, lorsque notre guide de tête s’arrêta devant une profonde ornière qui creusait le sol en cet endroit. Çà et là s’éparpillaient des racines récemment rompues, des branches écrasées, des blocs réduits en poussière, comme si quelque avalanche avait roulé sur ce flanc de la montagne.