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maître du monde

l’alcool ou l’électricité, ne dépassaient guère le cent trente à l’heure, soit environ trente lieues de quatre kilomètres, c’est-à-dire environ un mille et demi par minute, — ce que les chemins de fer, avec leurs express ou leurs rapides, donnent à peine sur les meilleures lignes de l’Amérique et de l’Europe.

Or, en ce qui concerne l’engin dont il s’agit, il marchait certainement au double de cette vitesse.

Inutile d’ajouter qu’une telle allure constituait un extrême danger sur les routes, tant pour les véhicules que pour les piétons. Cette masse roulante, arrivant comme la foudre, précédée d’un grondement formidable, déplaçait l’air avec une violence qui faisait craquer les branchages des arbres en bordure, affolant d’épouvante les animaux en pâture dans les champs, dispersant les oiseaux qui n’auraient pu résister aux tourbillons de la poussière soulevée à son passage.

Et — détail bizarre, sur lequel les journaux attirèrent plus particulièrement l’attention — le macadam des chemins était à peine entamé par les roues de l’appareil, qui ne laissait après lui aucune trace de ces ornières produites par le roulement de lourds véhicules. À peine une légère empreinte, un simple effleurement. La rapidité seule engendrait le soulèvement de la poussière.

« C’est à croire, faisait observer le New York Herald, que la vitesse de déplacement mange la pesanteur ! »

Naturellement, des réclamations s’étaient élevées parmi les divers districts de la Pennsylvanie. Comment tolérer ces courses folles d’un appareil, qui menaçait de tout renverser, de tout écraser sur son passage, voitures et piétons ?… Mais de quelle façon s’y prendre pour l’arrêter ?… On ne savait ni à qui il appartenait, ni d’où il venait, ni où il allait. On ne l’apercevait qu’au moment où il filait comme un projectile dans sa marche vertigineuse… Allez donc saisir au vol un boulet de canon au moment où il sort de la bouche à feu !…