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la dernière esclave

supplie donc monsieur Burbank de nous garder libres, comme il nous a gardés esclaves… Que ceux dont c’est aussi le désir…

— Tous !… Tous !»

Et ces mots, répétés mille fois, dirent combien était apprécié le maître de Camdless-Bay, quel lien d’amitié et de reconnaissance l’unissait à tous les affranchis de son domaine.

James Burbank prit alors la parole. Il dit que tous ceux qui voudraient rester sur la plantation le pourraient dans ces conditions nouvelles. Il ne s’agirait plus que de régler d’un commun accord la rémunération du travail libre et les droits des nouveaux affranchis. Il ajouta que, tout d’abord, il convenait que la situation fût régularisée. C’est pourquoi, dans ce but, chacun des noirs allait recevoir pour sa famille et pour lui un acte de libération, qui lui permettrait de reprendre dans l’humanité le rang auquel il avait droit.

C’est ce qui fut immédiatement fait par le soin des sous-régisseurs.

Depuis longtemps décidé à affranchir ses esclaves, James Burbank avait préparé ces actes, et chaque noir reçut le sien avec les plus touchantes démonstrations de reconnaissance.

La fin de cette journée fut consacrée à la joie. Si, dès le lendemain, tout le personnel devait retourner à ses travaux ordinaires, ce jour-là, la plantation fut en fête. La famille Burbank, mêlée à ces braves gens, recueillit les témoignages d’amitié les plus sincères, aussi bien que les assurances d’un dévouement sans bornes.

Cependant, au milieu de son ancien troupeau d’êtres humains, le régisseur Perry se promenait comme une âme en peine, et, à James Burbank qui lui demanda :

« Eh bien, Perry, qu’en dites-vous ?

— Je dis, monsieur James, répliqua-t-il, que pour être libres, ces Africains n’en sont pas moins nés en Afrique et n’ont pas changé de couleur ! Or, puisqu’ils sont nés noirs, ils mourront noirs…

— Mais ils vivront blancs, répondit en souriant James Burbank, et tout est là ! »