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après l’enlèvement.

— Ainsi, le Saint-John est libre encore depuis Picolata jusqu’à son embouchure ?

— Entièrement libre, et vous pouvez le descendre sans avoir rien à craindre des canonnières.

— C’est bon. — Au large ! »

Un ordre fut envoyé à la machine, et le steam-boat allait se remettre en marche.

« Un renseignement ? demanda Squambô à l’officier.

— Lequel ?

— La nuit est très noire… Je ne m’y reconnais guère… Pouvez-vous me dire où je suis ?

À la hauteur de la Crique-Noire.

— Merci. »

Les aubes battirent la surface du fleuve, après que l’embarcation se fut écartée de quelques brasses. Le steam-boat s’effaça peu à peu dans la nuit, laissant derrière lui une eau profondément troublée par le choc de ses roues puissantes.

Squambô, maintenant seul au milieu du fleuve, se rassit à l’arrière du canot et donna l’ordre de pagayer. Il connaissait sa position, et, revenant sur tribord, il se lança vers l’échancrure au fond de laquelle s’ouvrait la Crique-Noire.

Que ce fût en ce lieu d’un si difficile accès que l’Indien allait se réfugier, Zermah n’en pouvait plus douter, et peu importait qu’elle en fût instruite.

Comment eût-elle pu le faire savoir à son maître, et comment organiser des recherches au milieu de cet impénétrable labyrinthe ? Au delà de la crique, d’ailleurs, les forêts du comté de Duval n’offraient-elles pas toutes facilités de déjouer les poursuites, dans le cas où James Burbank et les siens fussent parvenus à se jeter à travers la lagune ? Il en était encore de cette partie occidentale de la Floride comme d’un pays perdu, sur lequel il eût été presque impossible de relever une piste. En outre, il n’était pas prudent de s’y aventurer.