Page:Verne - Nord contre sud, Hetzel, 1887.djvu/276

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
270
nord contre sud.

à modifier cet état de choses. À Camdless-Bay, la réorganisation du domaine s’effectuait peu à peu. De tous les coins du territoire, des forêts avoisinantes où ils avaient été forcés de se disperser, les noirs revenaient en grand nombre. Affranchis par l’acte généreux de James Burbank, ils ne se considéraient pas comme déliés envers lui de toute obligation. Ils seraient ses serviteurs, s’ils n’étaient plus ses esclaves. Il leur tardait de rentrer à la plantation, d’y reconstruire leurs baracons détruits par les bandes de Texar, d’y relever les usines, de rétablir les chantiers, de reprendre enfin les travaux auxquels, depuis tant d’années, ils devaient le bien-être et le bonheur de leurs familles.

On commença par réorganiser le service de la plantation. Edward Carrol, à peu près guéri de sa blessure, put se remettre à ses occupations habituelles. Il y eut beaucoup de zèle de la part de Perry et des sous-régisseurs. Il n’était pas jusqu’à Pyg qui ne se donnât du mouvement, quoiqu’il ne fît pas grande besogne. Le pauvre sot avait quelque peu rabattu de ses idées d’autrefois. S’il se disait libre, il agissait maintenant comme un affranchi platonique, fort embarrassé d’utiliser la liberté dont il avait le droit de jouir. Bref, lorsque tout le personnel serait rentré à Camdless-Bay, lorsqu’on aurait relevé les bâtiments détruits, la plantation ne tarderait pas à reprendre son aspect accoutumé. Quelle que fût l’issue de la guerre de sécession, il y avait lieu de croire que la sécurité serait assurée désormais aux principaux colons de la Floride.

À Jacksonville, l’ordre était rétabli. Les fédéraux n’avaient point cherché à s’immiscer dans l’administration municipale. Ils occupaient militairement la ville, laissant aux anciens magistrats l’autorité dont une émeute les avait privés pendant quelques semaines. Il suffisait que le pavillon étoile flottât sur les édifices. Par cela même que la majorité des habitants se montrait assez indifférente sur la question qui divisait les États-Unis, elle ne répugnait point à se soumettre au parti victorieux. La cause unioniste ne devait trouver aucun adversaire dans les districts de la Floride. On sentait bien que la doctrine des « states-rights », chère aux populations des États du sud, en Géorgie ou dans les Carolines, n’y serait point soutenue avec l’ardeur