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prise de possession.

Au moment où James et Gilbert Burbank se préparaient à partir, miss Alice prit à part le jeune officier.

« Gilbert, lui dit-elle, vous allez vous trouver en présence de l’homme qui a fait tant de mal à votre famille, du misérable qui voulait envoyer à la mort votre père et vous… Gilbert, me promettez-vous d’être maître de vous-même devant Texar ?

— Maître de moi !… s’écria Gilbert, que le nom de l’Espagnol seul faisait pâlir de rage.

— Il le faut, reprit miss Alice. Vous n’obtiendriez rien en vous laissant emporter par la colère… Oubliez toute idée de vengeance pour ne voir qu’une chose, le salut de votre sœur… qui sera bientôt la mienne ! À cela, il faut tout sacrifier, dussiez-vous assurer à Texar que, de votre part, il n’aura rien à redouter dans l’avenir.

— Rien ! s’écria Gilbert. Oublier que, par lui, ma mère pouvait mourir… mon père être fusillé !…

— Et vous aussi, Gilbert, répondit miss Alice, vous que je ne croyais plus revoir ! Oui ! il a fait tout cela, et il ne faut plus s’en souvenir… Je vous le dis, parce que je crains que monsieur Burbank ne puisse se maîtriser, et, si vous ne parveniez à vous contenir, votre démarche ne réussirait pas. Ah ! pourquoi a-t-on décidé que vous iriez sans moi à Jacksonville !… Peut-être aurais-je pu obtenir, par la douceur…

— Et si cet homme se refuse à répondre !… reprit Gilbert, qui sentait la justesse des recommandations de miss Alice.

— S’il refuse, il faudra laisser aux magistrats le soin de l’y obliger. Il y va de sa vie, et, lorsqu’il verra qu’il ne peut la racheter qu’en parlant, il parlera… Gilbert, il faut que j’aie votre promesse !… Au nom de notre amour, me la donnez-vous ?

— Oui, chère Alice, répondit Gilbert, oui !… Quoi que cet homme ait fait, qu’il nous rende ma sœur, et j’oublierai…

— Bien, Gilbert. Nous venons de passer par d’horribles épreuves, mais elles vont finir !… Ces tristes jours, pendant lesquels nous avons tant souffert, Dieu nous les rendra en années de bonheur. »