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saint-augustine.

minuit, une confortable hospitalité leur était offerte dans les appartements de City-Hotel.

Qu’on ne s’imagine pas, cependant, que Texar eût été abandonné de tous les siens. Il comptait nombre de partisans parmi les petits colons du comté, presque tous forcenés esclavagistes. D’autre part, sachant qu’ils ne seraient point recherchés pour les faits relatifs aux émeutes de Jacksonville, ses compagnons n’avaient pas voulu délaisser leur ancien chef. Beaucoup d’entre eux s’étaient donné rendez-vous à Saint-Augustine. Il est vrai, ce n’était pas au patio de City-Hotel qu’il eût fallu les chercher. Il ne manque pas de cabarets dans les villes, de ces « tiendas », où des métisses d’Espagnols et de Creeks vendent un peu de tout ce qui se mange, se boit, se fume. Là, ces gens de basse origine, de réputation équivoque, ne se lassaient pas de protester en faveur de Texar.

En ce moment, le commodore Dupont n’était pas à Saint-Augustine. Il s’occupait de bloquer avec son escadre les passes du littoral qu’il s’agissait de fermer à la contrebande de guerre. Mais les troupes, débarquées après la reddition du fort Marion, tenaient solidement la cité. Aucun mouvement des sudistes ni des milices qui battaient en retraite de l’autre côté du fleuve, n’était à craindre. Si les partisans de Texar eussent voulu tenter un soulèvement pour arracher la ville aux autorités fédérales, ils auraient été immédiatement écrasés.

Quant à l’Espagnol, une des canonnières du commandant Stevens l’avait transporté de Jacksonville à Picolata. De Picolata à Saint-Augustine, il était arrivé sous bonne escorte, puis enfermé dans une des cellules du fort, d’où il lui eût été impossible de s’enfuir. D’ailleurs, comme il avait lui-même demandé des juges, il est probable qu’il n’y songeait guère. Ses partisans ne l’ignoraient point. S’il était condamné cette fois, ils verraient ce qu’il conviendrait alors de faire pour favoriser son évasion. Jusque-là, ils n’avaient qu’à rester tranquilles.

En l’absence du commodore, c’était le colonel Gardner qui remplissait les fonctions de chef militaire de la ville. À lui devait appartenir aussi la présidence du Conseil appelé à juger Texar dans une des salles du fort Marion.